The Legend of Zelda: Breath of the Wild
Breath of the Wild, ou le renouveau du petit artisan
Absence de donjon emblématique, bestiaire faible, campagne de communication plus que critiquable, présence de DLC, rythme lent en fin de partie, absence des objets si chers à la série, et pourtant le jeu enchaîne les 20/20. Force est de constater que Nintendo a réussi son pari : réinventer sa licence en frappant tout aussi fort que son ainée Ocarina of Time, 19 ans plus tard après une longue période d’absence. Le petit artisan est donc remonté sur le trône.
Retour aux origines
Un Zelda, qu’est-ce que c’est : « des gros donjons, des objets, des boss, Ganon, une vallée, des énigmes et des chauves-souris, beaucoup de chauves-souris » nous répondrait n’importe quel passionné de la saga. Eh bien après 75 heures de jeu, j’ai bien l’impression que ce Zelda s’éloigne assez bien de ce schéma-là.
Pour essayer de saisir le processus créatif caché derrière cet opus, commençons par revenir aux origines de la série.
Ce premier Zelda avait pour but de retranscrire les sensations que Miyamoto ressentait lorsqu’il se baladait en forêt enfant, un jeu où l’on pouvait explorer librement ce qui nous entoure, ce qui explique l’ouverture de la carte.
C’est le Zelda qui mettra en place de façon définitive tout ce qui fait le charme des épisodes 3D. La recette fut conservée pour la plupart des épisodes post OOT.
S’en suit une période difficile avec une baisse de créativité au sein de Nintendo durant ce début de siècle, la WII U manque d’assassiner la firme et il faut rebondir. Le Projet BOTW commence réellement en 2013 avec à sa tête Hidemaro Fujibayashi et Eiji Onuma. Nintendo honore ici sa façon de faire : l’équipe comporte un bon nombre d’habitués de la série au commencement du projet (Hajime Wakai, Satoru Takizawa ...). Nintendo a confiance en ses anciens et évite d'importer de talentueux développeurs qui seraient étrangers à la firme, un luxe dans le milieu du jeu vidéo. L’équipe de développement deviendra par la suite la plus grande que Nintendo ait jamais connu : environ 300 personnes dont des employés de Monolith Soft (derrière les Xenoblades Chronicles). Deux idées sont centrales lors de la conception du jeu : renouveler la série et pousser le sentiment de liberté à son paroxysme. Nintendo va également beaucoup s’inspirer de ses contemporains.
Moteur de jeu : physique et chimie
Qui dit nouveau départ, dit nouveau moteur de jeu. Il doit être inédit, fluide et surtout complétement permissif : la physique du jeu doit être irréprochable, tout en servant le propos du jeu : une idée de liberté doit s’en ressentir. C’est de là qu’émerge une version modifiée d'Havoc : un moteur capable de présenter une gestion des collisions et du mouvement parfaite, ce que nous appellerons la partie physique, tout en ajoutant un élément inédit : la chimie du jeu. En effet, le feu brûle, l’eau mouille, la foudre électrocute et le vent souffle. Rien de neuf dit comme ça. Mais prenons un exemple simple : la foudre tombe, votre équipement en métal l’attire et votre vol en paravoile s’achève brutalement, ou alors vous jetez une torche au milieu d’une vallée qui prend feu, le feu crée un courant ascendant vous permettant de planer et de mitrailler vos ennemis surpris par vos assauts aériens et prisonniés des flammes. C’est avec un moteur aussi abouti que Breath of the Wild réalise toutes les promesses évocatrices de son nom. Les possibilités de game design explosent, la façon d’approcher son environnement, de gérer un groupe d’ennemis ou résoudre une énigme également. Le jeu est actif : il répond à nos actions et nous permet de faire à peu près ce qu’on veut dans Hyrule. L’herbe réagit à nos pas, brûle, nous propulse, nous fait glisser et repousse, preuve que le jeu mérite l’adjectif « organique ». C'est ce moteur qui donne son charme au jeu. On dispose enfin d'un jeu avec une physique exploitée et exploitable.
Il permet également un système de combat fluide avec plusieurs approches. Système de ciblage et esquive, compétences, arcs, flèches et épées, marteaux, haches, ralentir le temps en esquivant ou geler vos ennemis... Votre arsenal de combat est sans limite à un détail près : vos armes ont une durée de vie et il n'y a aucun forgeron pour les améliorer ou réparer. Vous devrez constamment chercher de nouvelles approches dans votre environnement en explorant, en favorisant la discrétion... au risque de finir à court d'outils pour vous défendre. Vous l'avez compris, il n'est plus possible de vous reposer sur une arme unique. Vous devez désormais en chercher de nouvelles : approche rendue possible par une exploration gratifiante.
Exploration
Le jeu prend place dans une Hyrule complètement ouverte. Fini le hub central, on peut aller où on veut et quand on veut grâce à la simplicité de la quête principale de prime abord, mais aussi par un level design bien maîtrisé qui facilite la lecture du monde.
Plusieurs outils sont à notre disposition pour explorer librement le monde qui nous entoure. Tout d’abord, le plus abouti, l’escalade : une jauge d’endurance. On peut s’accrocher à toutes les surfaces, gravir la plus haute montagne du jeu comme un simple arbre sans que cela pose aucun problème. Ensuite, vient la paravoile qui nous permet de planer sur de longue distance. Puis on retrouve le cheval et enfin la téléportation.
La carte s’éloigne grandement du système cuvette : fini la concentration d’objectif à quelques endroits centrés de la carte avec des montagnes à la périphérie servant de mur invisible. Le jeu cherche à éclater notre progression avec des objectifs visibles répartis autour de point haut. Les tours d’explorations sont bien utilisées, elles nous permettent seulement de nous élever en l’air et débloquer le relief de la zone : et c’est déjà pas mal, ce à quoi devrait servir une tour. Pas de cinématique pour nous montrer les points d’intérêts, le jeu nous dit clairement « t’as des yeux, tu cherches et tu notes ça sur ta carte comme un grand ». Nintendo a trouvé le vaccin à l'épidémie de points d'interrogations sur la mini carte.
La navigation, n’aura jamais été aussi facile que dans cet opus, car bien plus que l’exploration, des moyens de locomotions, des tours, montagnes et j’en passe, c’est bien cette maitrise qui rend le jeu si intéressant. L’usage des couleurs et du contraste nous fait directement poser l’œil sur des lieux sympathiques à visiter. Le placement de la caméra est lui aussi judicieux : loin du personnage afin de voir loin. Hop, une montagne au loin avec de la lave autour et des trucs qui brillent, on la marque nous-même sur notre propre carte et c’est parti : couplé à la paravoile et aux nombreuses hauteurs du jeu, on prend vraiment du plaisir à parcourir le monde de breath of wild à la recherche de ses trésors. Fini les boussoles ou la lecture de la mini carte de façon mécanique lors des déplacements à cheval.Le joueur lève la tête et prend conscience de son environnement. Le vide du monde ne se fait que peu ressentir. Le jeu réussit le pari souvent raté des RPG occidentaux à être attrayant en dehors de villes et plaisant à parcourir.
Point d’ombre : l’exploration perd beaucoup d’intérêt en fin de partie car il n’y a plus grand-chose qui nous émerveille et le monde nous a déjà délivré la plupart de ses secrets.
De plus, le manque de diversité des récompenses lorsqu'on explore finit par poser problème. Même constat, en fin d'aventure on se lasse de ne découvrir plus que des sanctuaires ou des noix korogus...
Narration
Le scénario est morcelé et réduit à son minimum afin de ne pas restreindre l’exploration. Notre seule et unique mission est d’anéantir Ganon. La quête principale est réalisable dans n’importe quel ordre et sans contraintes. La narration passe également par l’environnement et le contenu annexe. Et pourtant, c’est bien le seul Zelda où je me suis vraiment senti charmé par la narration. Premier point : doublage intégrale des personnages principaux mis à part Link (et en japonais, oui monsieur) et second point, certainement le plus important, le traitement des relations entre les personnages. On peut enfin discuter d’autres choses que du destin immuable de la princesse Zelda avec les PNJ. On prend plaisir à découvrir les sentiments qu’ont les 4 prodiges envers Link, la princesse, leur tribu. Tant de choses qui manquaient cruellement à la saga. Les villages sont bien mis en scène. L’histoire, bien que morcelée, arrive à nous impliquer dans les 4 domaines principaux du jeu. Les refuges disseminés un peu partout sur la carte renforcent ce sentiment d'attache qu'on éprouve à l'égard du monde et brise un peu la solitude de notre quête. On est loin d'une écriture profonde, mais c'est tout à fait correct.
Graphismes et Sound design
Que dire d’un des plus beaux jeux de la Switch ? La direction artistique prise par le jeu est sublime, une lente amélioration, initié par Zelda Skyward sword : à la frontière entre le cell shading cartoon d’un Windwaker et le côté plus réaliste de Twilight princess. On peut observer de jolis panorama, les animations sont plutôt belles , tout en restant visibles. La DA sert énormément à l’exploration. Non franchement, au vu des caractéristiques un peu datées de la console, une telle qualité graphique relève du miracle.
Quant au sound design, on est sur quelque chose de très travaillé. Chaque détail a son importance : du bruit de pas et armes sur votre dos aux quelques OST disséminées par ci par là, le tout couplé aux thèmes sonores des villages. Les musiques sont plus discrètes que dans les précedents opus tout en restant recherchées.
Bestiaire et donjon
Le jeu n’est pas exempt de tout défaut : le bestiaire en fait partie. Bokoblins, Lezalfos, Moblin, quelques changements de couleur et puis c’est tout. Bien sûr L’IA des ennemis sauve cet aspect-là : ils sont plus ou moins intelligents, peuvent se quereller entre eux, vivent en groupe. Mais mis à part quelques « mini-boss » qui viendront pimenter l’aventure, les combats se ressemblent énormément, et on le ressent en fin de partie. Une plus grande diversité n’aurait pas été de refus.
On observe un changement de formule concernant les donjons. On note bien sur le parti pris de disposer de nombreux sanctuaires, faisables en quelques minutes pour mieux s’accorder à une expérience portable et à une exploration non linéaire. Mais les donjons principaux, malgré les quelques bonnes idées qu'ils apportent, ne suffisent pas à satisfaire un fan de la série, que ce soit en terme de quantité que de durée.
Les plus
- Exploration
- Graphismes et sound design
- Excellente gestion de l'open world
- Nouveau modèle de narration
- Excellent moteur de jeu
- Encore de l'exploration
- Bon sang faîtes-le !
Les moins
- Présence de DLC
- Sensation de remplissage en fin de partie
- Bestiaire malingre
- Donjons trop peu nombreux